Photographe amateur. Passionné de nature (écologie, ornithologie, flore & faune, arbres...), et de montagne.

Auprès de mes arbres je vis heureux,

Les arbres peuplent la terre, comme les êtres humains ; on en retrouve de toutes les couleurs et apparences. Mais ici pas d'inquiétude générée par la multitude et pas d'anxiété par rapport à la variété.
Une forêt est complète et riche lorsqu'elle foisonne de multiples espèces, de différentes tailles et formes. Un exemple à suivre pour les civilisations actuelles et futures. Car ces essences divergentes cohabitent pacifiquement. Il y a bien des luttes pour arriver le premier au sommet. Mais c'est à tour de rôle, il suffit d'être patient.

Le vent sème les graines et s'assure du mélange harmonieux de la forêt. Petite graine deviendra grande, ou pas. Cette semence s'inscrit et s'enracine dans un biotope, pas toujours complaisant. On imagine la radicule, toute timide au départ. Elle sait qu'elle grandira à l'air libre. La tige est d'abord droite puis comme par effet de miroir, elle va dupliquer ce qu'elle a développé sous terre mais alors vers le ciel. Les extrémités se ressemblent. Une face cachée, celle des racines et radicelles. L'autre visible, ramures et frondaison.
Tout un système ingénieux pour une croissance vers le ciel. Une organisation et communication complexes.
Un brûleur de carbone et une parfaite pompe à oxygène.
Un environnement qui façonnera le tronc. Le tronc dont c'est par l'écorce que je devine le caractère de l'arbre. Rugueuse, abîmée, lisse, fissurée, écaillée, crevacée, douce, phagocytée, torturée, colorée … Caractéristiques combien similaires à l'âme humaine.

Malgré les aléas des saisons et des époques, certains arbres atteignent les milliers d'années. Quelle sagesse accumulée.

Puis pour chaque arbre, vient toujours ce moment de se laisser tomber, de promettre une place vacante pour le suivant.

La forêt est la seule à vivre avec ses morts, à ne pas les enterrer ou incinérer. Car ils participent à la vie. En abritant et accueillant une nouvelle forme de vie, jusqu'au bout.

Les hommes ont voulu cacher la difformité, la morbidité et la mortalité.

Je crois en l'importance de la coexistence.

La forêt, c'est aussi un monde musical. Classique pour moi, concerto ou symphonie, cela dépend des conditions météorologiques. Chaque arbre y va de sa partition, on distingue facilement et nettement les instruments, de la famille des bois, celle des claviers, des cordes, des cuivres et enfin celle des percussions. C'est encore plus féérique lorsque les chœurs d'animaux s'y joignent.

Je soulèverais également le sens olfactif. Des nuances de fragrances différentes en fonction de l'heure et de la saison.

Pour ce qui est du gustatif, ce sens me demande encore davantage de connaissances pour y goûter pleinement.

En résumé, j'aime l'arbre, comme soliste. Mais il m'est davantage cher lorsqu'il s'intègre dans une forêt, il fait partie alors intégrante d'un orchestre.

Le tronc est de l'ordre du masculin. Il se veut dur, fort, tenace, un rien rigide. Certain pousse rectiligne, d'autre use de circonvolutions pour tenir. Toujours, il faut exister et persister en fonction de l'environnement, propice ou hostile. Il en impose aux autres, celui qui réussit à prendre de l'espace, de l'air et de la lumière. Cependant il protège sa progéniture, qui garantit sa descendance. C'est souvent par le tronc que l'on regarde l'arbre. Pourtant c'est dans sa totalité qu'il doit s'admirer.

Il a en effet besoin du féminin pour se définir et devenir ; se complémenter.
Les branches, les feuilles sont justement de l'ordre du féminin.

Je les imagine : coiffure, chemise, jupe, robe, et gabardines assorties.
De quoi séduire l'astre solaire pour sa caresse vitale. Il y a aussi la touche florale pour sublimer son attrayance et parfum pour enivrer. Elles suivent scrupuleusement la mode, dictée par les saisons. Les couleurs sont répétées d'années en années mais toutes les nuances sont à chaque fois réinventées. Ensuite, la maîtrise de la lumière pour toujours paraître à son avantage.

Étonnamment, l'arbre se défeuille en hiver, sans pudeur. Il ose se dénuder, à affronter les rigueurs et notre regard. Il se dépouille car il sait qu'il se revêtira bientôt. Et qu'il pourra changer plusieurs fois d'habits et de rôles.

J'entre dans une forêt comme dans un livre, un tableau, un film, une pièce de théâtre, une recette culinaire ou une composition musicale. C'est à chaque fois un chapitre neuf, une toile nouvelle, un chapitre inédit, une autre représentation, un plat différent, une mélodie changeante. C'est une combinaison et sublimation des Arts.

Je me sens imaginatif. Je ferme les yeux. Je vois, je goûte, je sens, je lis et j'entends. Mais au bout du compte, je réduis tout cela, bien malgré moi, sur pellicule ou format binaire. Le comble. Mais pour chaque cliché, j'y associe et n'oublie pas le bonheur éprouvé.

Je suis conquis, moi photographe amateur, pas uniquement par le visuel et le sensoriel. Mais également par cet exemple de tranche de vie. Moi jamais lassé, toujours émerveillé, en toutes saisons.

L'arbre est donc composé de masculin et féminin, un être accompli vivant en solitaire ou en groupe; à suivre comme modèle…
Auprès de mes arbres je vis heureux.

Jean-Marc Stinglhamber